LA CAGOULE, vers une auto-défense. récit de mobilisation antifasciste et anticapitaliste.

De l’antifascisme à la lutte anticapitaliste, la cagoule, l’arme qu’il nous reste pour sortir du statu quo provoqué par notre société hyper médiatisée. Cette société où chaque moment est filmé, nos actes constamment contrôlés par le fait d’être enregistrés à jamais.


Il s’agit ici d’un texte à la première personne, une tentative d’expliquer le pourquoi de la cagoule et l’intérêt de celle-ci dans la conjoncture actuelle selon mon point de vue et sans prétendre à une vérité universelle. Cependant, j’espère que ce texte fera réfléchir de manière plus globale sur cette question. 
En trois jours j’ai participé à deux actions politiques. Il y eut d’abord le blocage du congrès de création du parti national européen (nouveau conglomérat de l’extrême droite wallonne) à Charleroi, ensuite le blocage de la conférence de retour du sommet de Davos à Bruxelles au prestigieux cercle de Lorraine. Dans les deux cas, j’étais cagoulé.


Ce n’est ni par plaisir ni par folklore que je fais ce choix. C’est afin de retrouver une capacité d’action et surtout car, selon moi, il est nécessaire de se cagouler afin que d’autres puissent rester démasqués. Ce texte s’adresse à vous, ami.e.s aux visages découverts, afin que l’on aille vers une compréhension de nos diversités tactiques pour nous renforcer mutuellement. Tout d’abord, posons le contexte des deux actions dont je parle ici et qui sont figuratives d’un contexte plus global. Dans les deux cas il s’agissait de rassemblement pacifique, dans les deux cas la police a gazé et matraqué. À Charleroi, c’est une septantaine de syndicalistes (FGTB/CSC) dont deux élu.e.s et une dizaine de haut.e.s représentant.e.s de la hiérarchie qui ont subi cette répression inhabituelle et disproportionnée. Lors du blocage de la conférence du retour de Davos, les militant.e.s se sont fait charger plusieurs fois sans raison apparente. Alors que cette action était organisée par des activistes connus pour leur mode d’action déterminé, mais pacifique, cela n’a pas empêché les forces de l’ordre d’être bien plus violentes et armées qu’elles le sont d’habitude pour ce genre d’action. 

Quand la police gaze et matraque ces deux franches symboliquement fortes des mouvements sociaux, cela en dit long sur le contexte actuel de répression et la banalisation de celle-ci. La police belge (surtout les politiciens qui la dirige) semble s’inspirer du contexte de répression français et du contexte mondial plus général. Devons-nous rester impassibles ? Devons nous accepter cette répression ? N-y-a-t-il pas un entre deux entre la violence et la non violence ?

Si je me cagoule, c’est parce que je prends le parti de l’auto-défense. Je n’accepte pas cette situation sans pour autant vouloir une stratégie de la confrontation. Je pense qu’il est important de maintenir ce droit à se mobiliser à visage découvert sans subir la répression. Je me cagoule car je suis prêt à créer cette zone tampon entre la police et ces personnes. Je me cagoule car je suis prêt à prendre des coups et à les rendre, ce qui implique davantage de risques judiciaires… Je me cagoule afin d’avoir un dispositif contre les gaz (quand il ne s’agit pas juste d’un t-shirt enroulé autour de la tête) et de ne pas reculer, de freiner la ligne policière. Je suis prêt à faire usage d’une certaine violence si celle-ci permet de créer une zone tampon qui d’une part éviterait la dispersion du rassemblement et d’autre part protégerait les personnes qui désirent manifester sans violences. Quand je suis cagoulé, je n’ai plus peur, je m’extirpe du statu quo, je me sens réactif et apte à agir. Sommes nous assez à être cagoulé.e.s pour rendre possible la création de cette zone ? Sommes nous suffisamment mobiles entre masqué.e.s et démasqué.e.s ? Sommes nous prêt.e.s à collaborer d’avantage ? 


LES FACHOS ET LES BOURGEOIS


Dans un second temps et parce que la police n’est pas la seule force empêchant nos envies d’exister, je me suis cagoulé aussi pour faire face aux fachos (par exemple, à Charleroi) et aux bourgeois (par exemple, à Bruxelles).

A Charleroi, lors de la charge policière, les fascistes ont profité de celle-ci pour attaquer par derrière les antifascistes/syndicalistes. Le fait d’être cagoulé m’a une nouvelle fois permis de me sentir en confiance afin de répondre à l’attaque fasciste. Sans ma cagoule, je n’aurais peut-être pas senti suffisamment de courage pour aller frapper trois fascistes qui s’en prenait à un syndicaliste, grâce à la cagoule ma détermination reste intacte et je peux pratiquer une auto-défense tout aussi déterminée. De plus, un autre antifasciste a répondu à l’attaque fasciste, étant à visage découvert, son profil circule désormais sur les différents réseaux fascistes. Il est dangereux d’être connu de l’extrême droite tant sa violence n’est plus à démontrer : combien de fois a-t-elle violenté voire assassiné ses opposant.e.s ? Cette personne serait-elle tranquille si elle doit de nouveau être face à des fascistes ? Je suis cagoulé car je ne veux pas leur donner l’occasion de me faire peur, je veux être maître de ce rapport de force…


A Bruxelles, nous bloquions un événement de la haute bourgeoisie dont les membres ont l’art de mépriser le peuple. La police gazait et matraquait les manifestant.e.s pour faire passer les bourgeois dans leur conférence. D’une part, la cagoule m’a permis de me sentir apte à faire front à la police et d’autre part, d’intimider les bourgeois. En effet, le fait d’être cagoulé accentue ma détermination (surtout que j’ai une tête de gentil) et plus d’une fois avec d’autres cagoulé.e.s nous avons dissuadé des bourgeois de passer le cordon de manifestant.e.s en les tenant à distance. Cette action que certaines personnes du blocage auraient pu qualifier de « violente » a en fait eu l’effet contraire. En effet, si les bourgeois ne s’approchent pas de la chaîne humaine, ils sont trop loin pour que la police puisse charger. Non seulement, cette stratégie complète celle du blocage effectif mais évite aussi une distribution de coups et de gaz de la part de la police. 


Je tiens quand même à préciser que les mentalités m’ont l’air d’avoir évolué positivement sur la compréhension de la diversité tactique. Bien entendu, il reste des remarques et l’instrumentalisation médiatique pour démentir mon ressenti. J’ai envie de rester positif comme cette personne qui me remercia une fois que je fus démasqué après l’action à Bruxelles. Merci à elle de construire une des formes de cette alliance dont nous avons bien besoin… 

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